En ces temps troublés, quelques réflexions à méditer
Repenser une réserve militaire ?

Le contexte géopolitique conduit les Européens à s’interroger sur les moyens qu’ils consacrent à leur défense militaire : les armements certes, mais d’abord les ressources humaines. Le besoin est double : disposer d’effectifs, équipés et entraînés, pour pouvoir assumer le choc et durer ; densifier le lien armées-nation, pour donner du sens aux sacrifices. En France, les contraintes sont budgétaires, mais également démographiques, puisque la base de la pyramide des âges se contracte depuis le point haut de 2006 ; leur cumul rend improbable une forte augmentation des effectifs militaires permanents.

Il existe classiquement deux solutions à cette contrainte : la conscription et la réserve opérationnelle. La première ne pourrait qu’être sélective, comme en Suède ou en Lituanie, pays de dix et trois millions d’habitants qui forment et entraînent respectivement 8.000 et 3.000 jeunes chaque année : les armées françaises n’ont ni le besoin, ni les moyens d’héberger, équiper, former et entraîner des classes d’âge de 650.000 jeunes. La faiblesse de la seconde est de dépendre du volontariat, qui ne correspond pas nécessairement au besoin, surtout que celui-ci est désormais très évolutif.

Il faut donc imaginer des dispositifs mixtes et adaptés aux enjeux d’aujourd’hui. Un schéma de ce type pourrait reposer sur quatre piliers.

Un tamis initial à double vocation, d’abord : recensement des aptitudes et des compétences au sein d’une classe d’âge ; sensibilisation à la chose militaire afin de susciter soit l’engagement, soit le volontariat.

Les volontaires accompliraient un service militaire d’une durée de six à huit mois, avec des contreparties tangibles. Les élèves des grandes écoles d’Etat y seraient tenus, comme jadis à l’ENA. Si toutefois, dans des spécialités rares, les effectifs étaient inférieurs à la cible, une obligation sélective serait imposée.

Troisième élément : ceux qui auraient ainsi servi à l’âge de vingt ans seraient entraînés et leurs capacités adaptées pendant une trentaine d’années, au moins trois semaines par an, avec un statut militaire compatible avec leur vie professionnelle et une compensation des sujétions.

Dernier pilier, les armées élaboreraient une doctrine d’emploi de cette réserve et se doteraient d’une organisation conforme à cette nouvelle ambition, pour satisfaire quatre besoins : des compétences de niche ou de spécialité (personnels médicaux, interprètes et officiers de liaison avec nos alliés, informaticiens, ingénieurs, spécialistes de guerre de l’information…), capacités complémentaires permettant aux unités d’active de se concentrer sur la haute intensité (transport, circulation, transmissions, administration, vie courante, garde d’emprises, surveillance ou contrôle de zones où la menace est de faible intensité…), capacités supplémentaires pour assurer une relève partielle des forces d’active après la phase de haute intensité, capacité de sursaut enfin pour faire face aux situations critiques survenant sur le territoire national (métropolitain et ultramarin) ou chez nos alliés, lorsque les unités permanentes sont saturées ou employées ailleurs.

Le socle commun à ces quatre piliers serait triple. D’abord, l’obligation pour chaque électeur d’assister régulièrement (tous les cinq ans, par exemple ) à une conférence de sensibilisation à l’état des menaces, donnée par des militaires de la réserve, prioritairement les anciens d’active : on y expliquerait notamment la confrontation « hybride », réalité méconnue. Ensuite, la création d’associations tournées vers la résilience et le secours aux personnes en cas de situations exceptionnelles, sur le modèle balte ou finlandais, sans statut militaire et coordonnées par le ministère de l’intérieur ; ces ressources, adaptées notamment aux enjeux du changement climatique, libéreraient les militaires de ces missions. Enfin, des échanges et des exercices communs seraient organisés à l’échelle européenne entre personnels de réserve : un Erasmus militaire.

Christophe Barthélemy, Bernard Bon, officiers de réserve – Tribune publiée dans Les Echos le 08 avril 2025

L’Europe ne peut se permettre de rater le train de l’Histoire

Surprise stratégique, rupture historique, cygne noir... Le vocabulaire traditionnel ne rend pas vraiment compte de ce à quoi nous sommes aujourd’hui confrontés, qui relève plutôt de la théorie du chaos. En géopolitique, un nouvel âge des empires, l’usage désinhibé de la force pour conquérir des territoires, la négation du droit international et notamment du droit de la guerre. En économie, la fin de la 3ème mondialisation, le retour du mercantilisme et la concurrence entre Etats pour capter les ressources rares (désormais, terres et métaux rares) comme pour attirer les meilleurs cerveaux. En matière technologique, la révolution numérique et le potentiel incommensurable de l’intelligence artificielle, mis notamment au service de la « guerre hybride », qui inclut une puissante dimension de désinformation : si elle a notamment conduit à l’éviction de la France du Sahel, elle vise au premier chef l’opinion publique des pays libres. Elle utilise et aggrave, en politique, la seconde crise majeure de la démocratie.

Avant toute chose, l’urgence à agir, l’ampleur des efforts, la profondeur des adaptations nécessaires pour assurer la défense militaire de la France, y compris outre-mer, et de l’Europe dont elle est intimement solidaire, sont sans précédent depuis les années 1930.

Nous devons construire un système d’alliances congruent avec ce nouveau contexte. Tout impose qu’il soit conçu autour d’un noyau européen incluant le Royaume-Uni : géographie, démographie, interdépendance économique, histoire partagée et identité culturelle issues de l’empire romain et de la Chrétienté. Les Etats « dotés » doivent réaffirmer que leurs intérêts vitaux s’étendent bien au-delà de leurs frontières, mais tous les membres de ce pilier européen de l’alliance doivent se mettre en mesure de défendre, peut-être seuls mais ensemble, leurs populations et leurs territoires, y compris les espaces ultramarins, du Groenland au Pacifique.

Cette ambition suppose une double révolution.

D’abord, une révolution budgétaire et capacitaire. La dissuasion repose sur la balance enjeu-risque : pour qu’elle fonctionne, elle ne doit pouvoir être contournée. Il est donc essentiel de disposer d’une puissance militaire conventionnelle en mesure de faire très sérieusement douter tout ennemi potentiel de ses chances de succès rapide sur les champs de bataille aéroterrestre, aéromaritime ou spatial, mais aussi cyber ou électronique. L’effort collectif comporte à notre avis deux volets.

Le premier est la création de corps d’armée européens commandés par un état-major intégré, avec son renseignement et ses systèmes de communication. L’expérience française de 1914-18 montre qu’une guerre longue et intense peut être conduite efficacement sur le plan opérationnel tout en donnant lieu à des débats politiques permanents.

Le deuxième est la construction d’un outil industriel également intégré, dans lequel les Européens disposent au maximum de deux fabricants de chars, d’avions, de véhicules blindés, de canons automoteurs, de frégates, de porte-avions, de sous-marins… aux capitaux et aux technologies exclusivement européens, en abandonnant la règle du « retour géographique », les restrictions oniriques de la taxonomie et l’extension non moins naïve au domaine régalien du droit européen de la concurrence et de la commande publique, au profit de la préférence européenne. L’objectif concret doit être à la fois de constituer des stocks, pour que les forces européennes soient en mesure de mener une guerre d’attrition dans un contexte de haute intensité, et de produire des armements en qualité et en flux suffisants pour au moins égaler la capacité industrielle de tout ennemi potentiel. Ce qui suppose une réorientation des priorités budgétaires et un effort collectif sans précédent depuis 1945.

La seconde révolution est le réengagement des Européens, collectif, médiat, délégué, mais également personnel, immédiat, direct, dans la défense de leur territoire commun et de leur communauté politique. En vérité, les situations sont très diverses : les Finlandais, les Baltes et, à un moindre degré, les Scandinaves n’ont jamais renoncé à la mobilisation de l’ensemble de la société face à la menace d’une invasion. Ce sont les pays d’Europe occidentale qui se sont écartés de la loi d’airain de l’Histoire – si vis pacem, para bellum – et qui doivent au premier chef réinstituer l’ardente obligation du citoyen de contribuer à la défense du pays. A l’heure de la guerre hybride, les formes de l’engagement sont naturellement plus diverses que lors de la levée en masse décrétée pour sauver « la patrie en danger » ou de la mobilisation générale d’août 1914 ; cette diversité facilite l’implication d’une forte proportion de la population. La base doit néanmoins reposer sur un ensemble d’unités de réserve opérationnelle dimensionné de manière ambitieuse, convenablement équipé pour ses missions, qui assure la défense territoriale, ainsi que l’appui et la régénération des forces engagées à l’extérieur ou en haute intensité, sans préjudice du débat sur la conscription. En février 2022, l’armée ukrainienne comptait 900.000 réservistes sur 1.150.000 personnels ; elle encaisse le choc depuis trois ans.

Les autres options relèvent in fine du renoncement. L’heure de vérité a sonné pour l’Europe, 70 ans après l’échec de la CED. Elle ne peut se permettre de rater le train de l’Histoire. On s’étonnera un jour qu’elle ait réagi si tard et sous la contrainte.

Colonel Bernard Bon, président de la Réunion des ORSEM – 04 mars 2025

Du réarmement matériel et moral

Une époque se clôt. La guerre est de retour. Les relations internationales se tendent, même ou surtout entre alliés. Elles sont à nouveau dominées par les rapports de forces et les logiques impériales de puissants monstres froids hésitant entre affrontement et partage du monde.

Les conséquences en sont immenses. Le pire est désormais possible, au mépris des enjeux communs de long terme : ralentissement du changement climatique, préservation de la biodiversité, développement des pays les plus pauvres, lutte contre les entreprises criminelles transnationales... Déjà, nous subissions en Europe les contrecoups du protectionnisme et de l’usage désinhibé de la force : vagues migratoires, poussée inflationniste, recul de l’influence française en Afrique, extension du narcotrafic… S’y ajoutent désormais la fragilisation de l’Alliance atlantique, l’oblitération du droit international, la décrédibilisation des organisations internationales, des menaces sur les territoires ultramarins des Etats européens... Quelles priorités se fixer ?

Prendre conscience de ce basculement géopolitique et s’y adapter urgemment

Devant la résurgence de risques majeurs et protéiformes, la prise de conscience s’impose, comme la nécessité de réinvestir collectivement dans les instruments de la souveraineté, de la cohésion nationale et de la solidarité européenne. Cela prendra des formes diverses (réindustrialiser, investir en Europe, acheter européen, conserver nos cerveaux, financer la R&D… tout en réduisant nos déficits et notre dette, détenue à plus de 50% par des non-résidents). Mais, au premier rang figurent nos armées et notamment l’Armée de Terre, la plus aguerrie des armées européennes. Car la guerre de haute intensité redevient vraisemblable et elle demeure avant tout, comme le montrent les affrontements en Ukraine et au Proche-Orient, un combat aéroterrestre, pour la conquête ou la défense de villes, de villages, de points stratégiques, de zones-tampons ou tout simplement de km² symboliques.

Le temps où la France pouvait se contenter d’une armée réduite à la dimension et aux capacités d’un corps expéditionnaire d’excellence est révolue. La Finlande et les pays baltes accentuent la mobilisation de l’ensemble de la population dans une logique de défense en profondeur. La Suède a rétabli un service militaire sélectif avant même de rejoindre l’OTAN. L’Allemagne a dédié 100 milliards d’euros à son réarmement. La Pologne est en passe de consacrer 4% de son PIB à son effort de défense : deux fois plus que la France, un tiers de moins que la Russie. Les Français, en métropole et dans les espaces ultramarins, doivent retrouver les réflexes des générations passées, de la levée en masse de l’an II à l’épreuve de la Grande guerre dans laquelle la nation s’est définitivement forgée, comme l’Ukraine aujourd’hui : se préparer au pire. Que faire ?

Une nouvelle ambition pour nos armées

Nos armées doivent être à tout moment en mesure de faire face, avec des unités de réserve militaire formées et entraînées, à toute forme de déstabilisation, d’agression ou de contournement de la dissuasion nucléaire qui excéderait par sa nature ou son ampleur les capacités des forces de police et de gendarmerie, dans une logique de solidarité avec nos alliés européens.

Il est évident que les moyens actuels seraient insuffisants si la situation internationale continuait de se dégrader. Le retour de la guerre, dans sa logique la plus dure de conquête territoriale, de maximisation des pertes humaines et de rejet du droit international, l’usage déshinibé d’armements destructeurs exigent de la nation qu’elle accentue l’effort de remontée en puissance et de renouvellement rapide de ses capacités militaires, que ce soit en effectifs, en systèmes d’armes, de communication et de renseignement, en plates-formes, en drones, en munitions ou en moyens logistiques. L’accélération de la transformation des armées par la technologie, l’innovation, l’intelligence artificielle est impérative : nous devons réaliser un effort massif en recherche-développement et en production pour ne pas être déclassés, comme nous le fumes en 1870 et en 1940, faute d’avoir pris la mesure de la révolution doctrinale, organisationnelle ou technologique en cours chez nos adversaires avant qu’ils ne deviennent nos ennemis. Malgré six décennies de déflation, la France dispose encore de l’armée la plus performante au sein du pilier européen de l’Alliance atlantique : elle est indispensable à la défense de l’Europe, à la dissuasion envers ses adversaires ; elle est attendue dans ce rôle par nos partenaires. Les Français doivent en être fiers, mais ils doivent surtout accepter de faire les efforts exigés par le basculement historique qu’ils sont en train de vivre. Comment faire ?

La défense redevient l’affaire de tous

L’engagement citoyen ne saurait se borner à ce sursaut budgétaire et aux arbitrages qu’il implique. Si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus en paix : nous avons des adversaires déclarés et déterminés, tandis que l’avenir de l’Alliance atlantique est incertain. Nous sommes sortis de l’époque des opérations extérieures lointaines, asymétriques et choisies pour revenir à celle des agressions subies, de moyenne ou haute intensité. Celles de la peur, des blessures, des mutilations, de la mort, des prisonniers emmenés en captivité. Que faire ?

D’une part, la Réserve opérationnelle, qui a accompagné la professionnalisation et contribué à amortir les effets de la déflation des effectifs, affronte le défi de la remontée en puissance. Le doublement de ses effectifs est prévu par la loi de programmation militaire. Outre l’apport de compétences rares, sa mission principale redevient la défense opérationnelle du territoire, outre-mer inclus, et notamment la protection des très nombreux points et infrastructures sensibles.

D’autre part, la désinformation permanente, notamment sur les réseaux sociaux, maillon faible de nos sociétés ultra-connectées, la manipulation à travers les opérations de déstabilisation, les cyberattaques devenues quotidiennes sur les systèmes informatiques stratégiques de l’Etat et des grands opérateurs économiques, les actions d’espionnage et désormais de sabotage sont des réalités. Les manœuvres dirigées contre la France dans le Sahel ont ainsi conduit à une réduction drastique de sa présence militaire en Afrique, au prix de la dégradation de la sécurité, de l’amplification des trafics et du recul des libertés publiques de nombreux pays. Mais ces opérations frappent aussi nos alliés au cœur et n’épargnent nullement le territoire national, outre-mer et métropole. Leurs effets sont amplifiés par la prévalence de l’émotion sur la raison. Il appartient à chacun d’en prendre conscience et de réagir : la manipulation de l’opinion publique et la fragilisation de la cohésion nationale sont les objectifs premiers de nos adversaires. La guerre n’est que la forme la plus brutale d’un duel de volontés collectives.

Trop souvent, dans son Histoire, la France a refusé de voir la guerre qui venait et de se donner les moyens de la mener ; le prix du déni a toujours été élevé. L’entrée prochaine de Marc Bloch au Panthéon doit traduire la volonté de « continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis », pour parler comme Renan, c’est-à-dire le refus de la résignation, de la vassalisation et de la sortie de l’Histoire.

Colonel Christophe Barthélemy, vice-président de la Réunion des ORSEM – 03 février 2025

La réserve militaire : dissuasion et résilience dans un monde dangereux

Depuis la fin de la Guerre froide, les membres européens de l’Alliance atlantique ont adopté une conception des relations internationales fondée sur quatre hypothèses. La victoire définitive de la démocratie libérale, au moins dans les esprits, de sorte qu’il n’existerait pas d’alternative à son avènement (les dividendes de la paix). L’expansion universelle du capitalisme (les dividendes du doux commerce). Le caractère résiduel des conflits, au moins interétatiques, puisque l’application de la théorie des jeux rend toujours préférable la coopération à l’affrontement, surtout entre puissances nucléaires, donc rationnelles ; tout au plus la confrontation se maintiendrait-elle en dessous du seuil de la guerre (les dividendes de la rationalité). Enfin, grâce au « parapluie » américain et à la supériorité technologique, l’inutilité d’entretenir de réelles capacités militaires ou, tout au plus (France, Royaume-Uni) la limitation de l’effort à la constitution d’un corps expéditionnaire professionnalisé en mesure d’imposer la paix dans des conflits périphériques et asymétriques (les dividendes de l’OTAN).

Ces certitudes ne sont donc pas partagées par les Etats-Unis, qui n’ont jamais relâché leur effort de guerre. Encore moins par les puissances révisionnistes, qui se sont dotées de capacités militaires importantes et de plus en plus performantes, pour tester la détermination des membres de l’Alliance à défendre leurs intérêts, en élevant sans cesse la barre. Le retour de la tentation isolationniste aux Etats-Unis a encouragé ces ambitions. L’Occident a ainsi pu donner à penser qu’il préfère reculer que risquer l’affrontement, sauf à mener des opérations spéciales ou clandestines.

Si l’invasion de l’Ukraine apparaît comme une surprise stratégique, c’est que notre interprétation des discours de Poutine, pourtant clairs, a été biaisée par le refus de concevoir la remise en cause de l’ordre établi et le retour de la guerre en Europe. Il est urgent d’en tirer les enseignements.

Le premier est la nécessité de faire prévaloir notre souveraineté et notre indépendance, dans le respect de nos alliances, sur les intérêts économiques de court terme. Le deuxième est le nécessaire réarmement, matériel, mais surtout moral, au sens que Clausewitz donnait aux « forces morales ». Si vis pacem, para bellum ; la liberté a un prix, qui peut être celui de la guerre et donc du sang versé. C’est la leçon de courage et de détermination que nous donnent les Ukrainiens. Le troisième est l’impératif de retrouver de la profondeur et des marges de manœuvre, matérielles et humaines. La « masse » est l’un des « facteurs de supériorité opérationnelle » identifiés dans le « concept d’emploi des forces » récemment rendu public par le ministère des armées. Comme le montre la « défense territoriale » ukrainienne, elle est nécessaire pour dissuader ou, le cas échant, s’opposer à l’invasion de tout ou partie d’un territoire, européen ou ultramarin, contrôler un vaste espace maritime ou secourir un allié.

Ces trois impératifs requièrent un engagement déterminé de la nation entière. A côté des personnels d’active, la réserve militaire opérationnelle sous contrat, dont nombre de Français ignorent l’existence, en est l’une des composantes nécessaires. Cet engagement en unités de réserve ou dans les états-majors représente souvent une quarantaine de jours par an, pour des hommes et femmes qui le combinent avec leur activité professionnelle. Or, cette réserve ne compte aujourd’hui que 40.000 personnes, venant renforcer environ 200.000 militaires professionnels. Le total représente le dixième de l’armée française métropolitaine de 1939. Cela fait un quart de siècle que le service militaire a été « suspendu », de sorte que l’immense majorité de la population âgée de moins de 45 ans n’a ni expérience, ni culture militaire. Ceci n’est évidemment pas sans conséquence : sur les choix budgétaires, mais également sur la place des armées et des militaires dans la nation. Remonter en gamme aurait des effets sur la résilience et sur la « dissuasion conventionnelle ».

La Suède a récemment rétabli un service militaire de volontaires ; l’Allemagne vient d’annoncer une hausse vigoureuse de son budget militaire. Le nécessaire effort français doit être certes matériel : en deux semaines, les Russes auraient perdu en Ukraine autant de chars lourds qu’en possède l’armée française. Mais il doit donc être surtout moral et donc humain, quel qu’en soit le prix de court terme : la survie des nations n’a que faire du marginalisme et du lean management. La réserve militaire, plus nombreuse, mieux équipée, employée dans les champs matériel et immatériel (cyber), doit reposer sur un engagement volontaire de long terme au service de la sécurité du pays (entreprises, institutions) et de sa résilience, alternant formation et entraînement, c’est-à-dire sur la coexistence de deux métiers et une disponibilité adaptée. C’est d’abord un choix politique, impulsant une évolution des mentalités à l’égard de ces militaires à temps partagé, qui devraient être suivis d’une adaptation de la doctrine et de l’organisation des armées, le tout fondé sur la prise de conscience de la dangereuse transformation du monde qui s’opère sous nos yeux.

Christophe Barthélemy et Bernard Bon – Tribune publiée dans Le Figaro le 21 mars 2022

A propos de la Réunion des ORSEM

Le 18 novembre 1899, des officiers de réserve (appelés alors « officiers de compléments ») se rassemblèrent à l'initiative du commandant Mariotti pour créer la « Réunion des ORSEM ». Le terme « Réunion » fut retenu, car la grande loi sur le droit d'association n'avait pas encore été votée.

La Réunion a souhaité célébrer son 125ème anniversaire, dans un contexte international marqué par une mutation historique et par le retour de la guerre en Europe, après plusieurs décennies d'illusions sur les « dividendes de la paix ».

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